DIAGENÈSE

DIAGENÈSE
DIAGENÈSE

Le terme «diagenèse» a été introduit, en 1868, par von Guembel pour désigner les processus qui agissent sur les sédiments après leur dépôt, mais cette définition est trop vague et mérite d’être précisée.

Actuellement, ce terme est utilisé par les auteurs dans des acceptions très variables. C’est ainsi que N. M. Strakhov définit la diagenèse comme la transformation d’un sédiment en roche sédimentaire en excluant toutes modifications secondaires qui affectent la roche sédimentaire après la formation. L’imprécision d’une telle définition apparaît aussitôt, car une roche n’est connue que dans la mesure où elle est accessible. Or, la «roche sédimentaire» de Strakhov est un objet virtuel, tout au moins dans le cas de sédiments marins car selon lui le domaine de la diagenèse s’étend à une profondeur que les techniques actuelles ne permettent pas d’atteindre, en dehors des plates-formes ou des mers peu profondes. De plus, de nombreuses roches sédimentaires sont nées dans des conditions inconnues dans les mers actuelles.

L’objet réel, la roche qu’on étudie, est donc bien souvent le résultat d’une longue histoire; aussi convient-il d’adopter une définition plus large: la diagenèse groupe l’ensemble des processus physiques, biochimiques et physico-chimiques qui transforment un sédiment en une roche sédimentaire telle qu’elle peut être définie sur un échantillon.

Le début du phénomène est facilement repérable puisque la diagenèse commence dès la formation d’un dépôt au fond d’une mer ou d’un bassin continental, mais il s’avère beaucoup plus difficile de déterminer quel est le moment qui en marque la fin. Il faut exclure toutes les transformations physico-biochimiques qui, sur les continents, transforment une roche en un sol (altération), mais il est déjà beaucoup plus ardu de fixer la frontière entre la diagenèse et des transformations dues à des apports extérieurs aux sédiments (hydrothermalisme par exemple).

De même, si la diagenèse paraît bien distincte du métamorphisme qui se situe dans un domaine thermodynamique différent, certains minéraux réagissent plus vite que d’autres à la température et à la pression et, dans les séries très épaisses, la démarcation avec le métamorphisme d’enfouissement est difficile à préciser.

Les conditions de la diagenèse

La formation des roches sédimentaires est commandée par des paramètres physiques (fig. 1) et chimiques dont le groupement varié définit les différents processus de la diagenèse.

Paramètres géophysiques

Le début de la diagenèse se situe généralement dans un domaine de basse température : l’interface sédiment-eau de mer est en moyenne, à l’heure actuelle, au voisinage de 2 0C et la température moyenne à la surface de la Terre fut de 20 梁 10 0C pendant toute son histoire sédimentaire. C’est dire que les phénomènes de diagenèse précoce sont extrêmement lents. Il faut pourtant noter quelques exceptions: les bassins salins atteignent souvent des températures comprises entre 40 et 50 0C et la présence de minéraux radioactifs ou l’oxydation des sulfures peuvent provoquer des échauffements sensibles. Dans les séries très épaisses ou dans les séries plissées, c’est le début du métamorphisme (au-delà de 250 0C) qui établit la limite de la diagenèse.

La pression augmente avec la profondeur; sa valeur se situe entre la pression d’une colonne d’eau de même épaisseur que celle des sédiments (pression hydrostatique) et celle de la colonne des sédiments eux-mêmes (pression lithostatique) et varie en fonction de la porosité, c’est-à-dire des possibilités d’évacuation des fluides (fig. 2).

Le temps , enfin, est un paramètre fondamental qui permet aux réactions les plus lentes d’avoir un effet non négligeable.

La limite entre la diagenèse et le métamorphisme dépend donc des qualités du bassin de sédimentation (gradient géothermique, rapidité d’enfouissement, tectonique) et de la nature même des sédiments: les évaporites, plus mobiles, ne peuvent pas subsister en grande abondance au-delà d’une certaine profondeur, mais elles sont très sensibles à de faibles changements de température qui engendrent des paragenèses nouvelles à des profondeurs beaucoup plus faibles que celles requises par le métamorphisme classique des séries détritiques.

Paramètres géochimiques

Le potentiel hydrogène (pH ) est très variable en fonction du milieu de sédimentation, du climat, de l’activité biologique. Généralement acide au départ, le milieu devient de plus en plus alcalin et son pH peut atteindre des valeurs supérieures à 9 qui permettent une mobilisation sensible de la silice.

Le potentiel ionique , rapport Z/r du numéro atomique par le rayon ionique des ions, conditionne leur solubilité et leur mobilité.

Le potentiel d’oxydo-réduction est en général positif au début (milieu oxydant), négatif dès les premiers centimètres de profondeur (milieu réducteur) puis à nouveau positif après l’émersion des sédiments.

Les capacités d’adsorption ou d’absorption de divers minéraux permettent leur métamorphose chimique progressive et jouent un rôle essentiel dans l’évolution chimique concomitante des solutions interstitielles: à cet égard, les minéraux phylliteux sont remarquables.

Processus physiques

Les processus physiques sont essentiellement:

– la cristallisation à partir des fluides interstitiels: formation du ciment, des concrétions, des nodules, des cristaux authigènes;

– la dissolution de certains minéraux, en particulier les sels solubles;

– le durcissement des gels , de silice en particulier (silex);

– la compaction sous l’influence de la pression, qui provoque le départ des fluides interstitiels, en général vers le haut, et établit des contacts entre particules, favorisant les réactions et les soudures, c’est-à-dire une diminution progressive de la porosité et souvent de la perméabilité. L’abaissement de cette dernière augmente alors l’influence de la pression, qui se rapproche de sa valeur lithostatique. L’ascension des eaux connées (nées avec les sédiments) par diminution de la porosité les met en contact avec des minéraux avec lesquels elles ne sont pas en équilibre et vont réagir. Il y a donc une sorte de triage chimique hiérarchisé qui constitue une véritable chromatographie naturelle (B. Nagy, 1960).

Processus chimiques

Les processus chimiques sont de types variés:

hydratation et déshydratation , comme dans le cycle gypse-anhydrite-gypse, processus à relier à l’hydrolyse , particulièrement fondamentale dans l’histoire des silicates;

échanges d’ions , en particulier pour les minéraux phylliteux: les phyllosilicates altérés ont une énorme capacité d’échanger des cations avec des solutions alcalines en transit. De même les solutions acides peuvent mobiliser les bases échangeables;

polymérisation et dépolymérisation , surtout pour les substances d’origine organique: maturation des charbons et des pétroles;

oxydation et réduction . L’oxydation a lieu dans la majorité des séries continentales et au voisinage de l’interface sédiment-eau de mer (argiles rouges). La réduction est caractéristique de beaucoup de sédiments marins et, lorsqu’elle existe dès l’interface, elle signale le faciès sédimentaire «euxinique» (calcaires ou vases noires). Un problème essentiel est celui de la syngenèse ou de la diagenèse des sulfures (pyrite, galène, blende, etc.);

métasomatose à basse température. C’est le remplacement sans changement de forme ni de volume d’un minéral par un autre (on dit aussi pseudomorphose): il peut nécessiter toute une série de processus déjà évoqués. La dolomitisation et les silicifications en sont deux bons exemples. La dolomitisation dépend de la richesse en ions Mg++ des solutions interstitielles; le magnésium, lorsqu’il est abondant, peut s’introduire dans la maille de la calcite et remplacer progressivement un ion Ca2+ sur deux pour aboutir à la dolomite, de formule (CO3)2CaMg. Ce remplacement est facilité et accéléré par certaines actions biochimiques. Le phénomène s’accompagne d’une diminution de volume de 12 p. cent qui produit une fracturation du sédiment propice au piégeage des hydrocarbures (récifs coralliens). La silicification est commandée par la température, mais surtout par le pH; une solution de pH supérieur à 8,5 dissout de la silice, mais, si cette solution atteint des zones acides, la silice précipite ou remplace électivement certains éléments, oolithes calcaires, coquilles de mollusques, piquants d’oursins ou fragments ligneux, en en conservant la forme exacte et souvent même les structures les plus fines.

Les étapes de la diagenèse

Les divers paramètres et processus responsables de l’évolution des sédiments ne sont pas réunis de façon aléatoire. Certains paramètres (pression, température) varient d’une manière à peu près linéaire avec la profondeur, mais d’autres, comme le potentiel d’oxydo-réduction, définissent des limites nettes (surface limite Eh = 0 entre la zone d’oxydation et la zone réductrice dans la diagenèse précoce). Aussi les combinaisons des divers agents permettent-elles de distinguer plusieurs étapes et plusieurs domaines de la diagenèse (fig. 3 et 4).

Pendant l’étape initiale (I), le sédiment à peine déposé est une vase mobile; l’eau y permet des échanges avec le milieu extérieur (en général l’eau de mer). C’est une zone d’oxydation, où l’activité bactérienne est intense: les apports organiques abondants en font un véritable «humus» au pH légèrement acide. L’épaisseur de cette zone est de 0 à 50 cm. Les carbonates y sont dissous d’autant plus vite que les particules sont plus petites (grains d’aragonite, foraminifères, spicules d’éponges); les coquilles plus grandes sont en général protégées par le periostracum chitineux. La formation locale d’H2S est suivie d’une réaction immédiate avec Ca2+ qui engendre du gypse.

La deuxième étape (II) correspond à une zone réductrice où la vie anaérobie domine. H2S est abondant, et les oxydes de fer sont transformés en FeS, puis FeS2 (marcassite en pH neutre ou légèrement acide, pyrite en pH légèrement alcalin). Le pH peut atteindre des valeurs qui permettent la mobilisation de la silice.

L’absence de l’étape I correspond à des sédiments réducteurs dès l’interface eau de mer-sédiment (milieu euxinique). L’ensemble I + II est le domaine de l’influence biologique: sa limite inférieure se situe entre 1 et 100 m.

Une troisième étape (III) marque le début de la compaction avec redistribution du matériel dans le sédiment. C’est là que se place la formation du ciment et des concrétions.

Au-delà, dans une quatrième étape (IV), le sédiment se consolide (lithification), mais lentement, car la déshydratation des minéraux produit de l’eau qui, mélangée à l’eau interstitielle, monte lentement dans la série avec la réduction de la porosité. Cette étape, marquée par des recristallisations, passe insensiblement au métamorphisme dans les séries épaisses géosynclinales, mais souvent seulement au-delà de 1 000 m.

La dernière étape (V) groupe les transformations (surtout oxydation) accompagnant la phase d’évolution postérieure à l’émersion des roches sédimentaires qui ne sont pas passées par un stade métamorphique.

diagenèse nom féminin Processus physico-biochimique affectant un dépôt sédimentaire et le transformant progressivement en roche cohérente, par déshydratation, compaction et modifications minéralogiques.

diagénèse [djaʒenɛz] n. f.
ÉTYM. 1929, Larousse du XXe siècle; de dia-, et -génèse.
Géol. Ensemble des phénomènes de consolidation ou de durcissement d'un dépôt sédimentaire. || Diagénèse régressive.REM. On trouve aussi diagenèse.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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